Carrefour, prends ZAD dans ta gueule !

Source: Mediapart 09 janvier 2014 |  Par Bob 92 Zinn

 

« Carrefour empoche des milliers d’euros par le biais des exonérations de cotisations sociales, mais cela ne l’empêche pas de vouloir encore grappiller sur le salaire de milliers de smicards » François Dumoulin, avocat de la CGT.

L’action directe non violente, est, dans le cadre de la lutte contre l aéroport de Notre-Dame-des- Landes (péages gratuits d’autoroutes, sabotage des mares de compensation, des engins de chantiers, etc), comme dans celui d’une lutte globale contre le capitalisme et ses applications concrètes, un des moyens de nous faire entendre en tant que militant.e.s contestataires de l’ordre social et économique d’un système mercantile mortifère.

Le groupe Carrefour, précurseur du concept d’hypermarchés dans les années 60, aux pratiques esclavagistes maintes fois dénoncées par les syndicats et les salarié.e.s était une cible de choix. Un des symboles totémiques de la domination et de l’exploitation capitaliste. Carrefour qui est un expert en matière de racket généralisé des consommateurs, fournisseurs et salarié.e.s. C’est donc tout naturellement qu’une action caddie à zéro euros, à l’initiative des clowns activistes du Clownistan est partie de la ZAD de NDDL le dernier jour de l’année 2013 à 14 heures.

© Morka Miilpats

Une centaine de clowns investissent le Carrefour de la Beaujoire à Nantes

Une fois arrivé.e.s sur le parking du centre commercial de la Beaujoire, vers 15 heures, il suffit de quelques minutes aux militant.e.s pour investir l’hypermarché malgré une faible opposition des vigiles qui tentent de fermer les grilles d’entrée sans succès.

L »auto-réduction (un groupe de consommateurs où d’usagers qui refusent de payer le prix d’une partie où de la totalité d’un produit où d’un service) menée le soir du réveillon n’est apparemment pas très appréciée par l’enseigne qui a de suite fait appel aux forces du désordre venues rapidement sur les lieux.

A 15H30, le bloc de béton et d’acier décoré de guirlandes clignotantes est complètement bouclé par les flics arrivés sur place (Police, BAC, DGSI, Gardes Mobiles, PJ, etc). Les activistes l’occuperont jusqu’à l’évacuation totale du bâtiment à 22h00, suite à de nombreuses violences policières et arrestations. Des potes seront gazés, blessés où encore tazés. 12 de nos camarades sont arrêté.e.s. 6 finiront en garde à vue à l’hôtel de police de Nantes. 3 seront lourdement condamnés le jeudi 03 janvier par le tribunal de Nantes à respectivement 6, 5 et 4 mois de prison avec sursis ainsi qu’à de fortes amendes (5000 euros).

Une certaine presse bourgeoise relaie l’info en parlant de tentative de « racket » avortée grâce à l’arrivée des forces de répression du capital. Il est d’ailleurs à noter que les journaux se sont efforcés de minimiser la portée de cette action de caddies gratuits. Le nombre de participant.e.s et de flics venus les réprimer a été divisé par deux. Selon la presse bourgeoise (le Figaro, Presse Océan, etc) les flics étaient une centaine alors qu’il étaient au moins le double et le nombre d’activistes sur place était bien plus important que les 60 annoncés dans la presse et à la radio.

La journée du 31 décembre se solde par un bordel assez jouissif dont le point culminant est la fermeture d’un des temples de la société de consommation. La perte sur le chiffre d’affaire pour l’enseigne tricolore oscille entre 50 000 et 200 000 euros.

 

© Morka Miilpats

Carrefour, Vinci même combat.
Pour beaucoup sur la ZAD la lutte contre l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes est avant tout un combat contre le système capitaliste dans sa globalité et les institutions qui le protège (police, armée, justice). L’auto-réduction, communisme direct par la redistribution à la source des richesses, a été largement pratiquée et popularisée dans les années 70 en Italie par des mouvements libertaires autonomes mais aussi par des travailleur.euse.s en lutte au sein de leurs entreprises (les travailleurs italiens se rémunéraient directement sur les marges).

La disproportion de la réponse sécuritaire d’État et son lot de violences, qui vérouille totalement un centre commercial comme pour une attaque terroriste (une compagnie de Gardes-Mobiles, GIPN, BAC, PJ, maîtres-chiens, DCRI, etc) et le nombre conséquent de 12 interpellations, 6 gardes à vue et trois condamnations à des peines prison avec sursis ainsi qu’à de fortes amendes pour une action non violente de redistribution des richesses, rentre dans la logique de répression généralisée des mouvements sociaux.

A l’aune d’une misère sociale qui touche une partie toujours grandissante des populations, force est de constater que ce type d’actions militantes à de beaux jours devant lui.

 

Carrefour, victime ou bourreau ? Regardons de plus près…

Sa politique salariale au minima est connue des syndicats pour être particulièrement impitoyable. L’enseigne n’usurpe en rien toutes les définitions du mot « extorsion » où encore « racket » si aisément employés par la presse bourgeoise et la justice de classe pour définir l’action d’auto-réduction du 31 décembre à Nantes.

Parlons donc un peu de ce fleuron de l’économie hexagonale, de ses patrons voyous, de sa politique salariale et antisociale et des actions en justice intentées individuellement où collectivement par les travailleur.euse.s contre cette multinationale de racailles de l’actionnariat privé.

© Morka Miilpats

Carrefour, une entreprise qui soigne ses patrons et ses actionnaires, les travailleur.euse.s peuvent crever.Le groupe est le premier exploiteur/employeur privé de France, le deuxième en Espagne et au Brésil. La politique de la DRH est sans pitié envers les travailleur.euse.s. Comme tout fond d’investissement qui se respecte, Carrefour assèche à la portion congrue les dépenses en matière de masse salariale afin de mieux rémunérer ses actionnaires de généreuses dividendes et ses patrons de parachutes dorés et autres stocks options et retraites chapeau. En un an sa valorisation boursière est de 50,00 % alors que les salaires des catégories 1A (échelon de carrière le plus bas), est à la traîne de l’indexation homéopathique du SMIC fixée par le Gouvernement saucialiste.

Au premier janvier 2014 une caissière touche moins que le SMIC sur la base horaire brute hors rémunération du temps de pause obtenue suite à de nombreuses grèves.

(extrait de la grille salariale de Carrefour de mars 2013) (1)

Taux horaire Carrefour groupe 1A :

9,51 eurosbrut (hors forfait pauses) avec forfait pauses 9,99 euros ( 1514,50 euros brut)

Taux horaire du groupe IIA : 9,52 euros brut avec forfait pause 10,00 euros brut (1516,10 euros brut)

SMIC horaire brut au premier janvier 2014 : 9,53 euros.

Les patrons ne sont pas logés à la même enseigne

En 2005, le groupe chute fortement en Bourse suite à des choix stratégiques douteux. Daniel Bernard, a pratiquement flingué son entreprise et Carrefour évite de justesse une OPA de la part de son prédateur et concurrent direct, le géant américain Wal-Mart. Il est remplacé par José Luis Duran. L’ex-PDG est logiquement remercié pour faute grave avec une prime de départ de 38 millions d’euros. Les caissières et magazines de l’enseigne payé.e.s à coup de lance-pierre sont révoltées par une telle disproportion entre leur salaire misérable et le chèque colossal touché par un patron voyou remercié généreusement d’avoir fragilisé le groupe. Plusieurs grèves se succèdent pour demander une revalorisation générale des salaires souvent inférieurs au SMIC (2)

Vous avez dit extorsion ? Et l’auto-réduction fiscale des patrons ?

Carrefour est le leader européen de la grande distribution et le deuxième dans le monde derrière le poids lourd esclavagiste du secteur, Wal Mart. Comme toute multinationale qui se respecte le groupe est un savant montage d’investisseurs désireux de se faire plein de fric. Ses principaux actionnaires sont un fond d’investissement Blue Capital composé du fond américain Colony Capital qui détient, entre autres, plusieurs Casinos à Las Végaset du Groupe Arnault (LVMH), de la Société Générale, d’autres fonds d’investissement et d’actionnaires privés.

Bernard Arnault, première fortune de France en alternance avec Liliane Bettencourt, est classé à la 18e place (selon Bloomberg) des dieux de l’olympe. Sa fortune personnelle estimée a 24,3 milliards d’euros (16,2 millions de smics) a subit une auto-augmentation de 15 %, rien que pour l’année 2013. L’homme d’affaires est un adepte lui-même de l’auto-réduction fiscale. Il a essayé sans grand succès d’obtenir la nationalité belge en 2012 afin de payer moins d’impôts. Il est triplement présent dans l’organigramme de l’entreprise. Avec le groupe Arnault, en tant que membre du directoire du groupe et en temps qu’actionnaire à titre individuel. Un autre concurrent direct, Auchan, est dirigé par, Gérard Mulliez troisième sur le podium des français.e.s les plus friqué.e.s. Une choses est certaine, la grande distribution ça paye si t’es patron. Mulliez et Arnault n’ont pas de difficultés pour boucler leurs fins de mois.

© Morka Miilpats

 

Pièces jointes – Extrait de casier judiciaire du Groupe CARREFOUR :

En octobre 2008, le Groupe Carrefour est condamné à une amende de 1,287 million d’euros pour avoir pendant plusieurs années payés en dessous du SMIC 400 employés de deux hypermarchés. En novembre 2010, il est condamné par les prud’hommes de Grenoble à payer près de 400 000 euros d’arriérés de salaires à plus d’une centaine de salariés d’un hypermarché Carrefour en Isère pour la même raison. (2)

Le 15 février 2011, la chambre criminelle de la cour de cassassion casse partiellement un arrêt de la cour d’appel de Lyon du 1er juin 2010, qui avait débouté les syndicats de leurs demandes, en relaxant Carrefour hypermarchés du chef de salaires inférieurs au SMIC. Le non-respect de ce smic constitue une infraction pénale. La Cour a renvoyé le dossier devant la cour d’appel de Dijon pour le volet concernant l’indemnisation des salariés. (3)

En août 2012, Carrefour est condamné à verser 316 500 euros d’amende pour avoir payé en-dessous du smic 211 salariés de l’hypermarché de Quimper selon un jugement de la cour d’appel de Rennes datant de mardi 28 août. Le groupe Carrefour est condamné à payer 211 amendes de 1 500 euros (soit 316 500 euros)et l’ancien directeur de l’établissement, Guy Le Goec, à 211 amendes de 50 euros. Carrefour est en outre condamné a verser des dommages et intérêts à l’égard des 23 salarié.e.s qui se sont porté.e.s partie civile. En première instance, en septembre 2011, le groupe Carrefour et le directeur de l’établissement avaient été condamnés à 400 000 euros d’amende par le tribunal de police de Quimper. (4)

Des marges illégales, un métier.

Le 2 février 2012, la cour d’appel de Paris condamne Carrefour à payer une amende de deux millions d’euros ainsi qu’à restituer 17 millions d’euros perçus illégalement au titre des marges arrières (ristournes déguisées). La cour d’appel de Paris a jugé que le groupe français de distribution avait « obtenu, en application des accords de partenariat conclus » en 2005-2006 avec 16 fournisseurs « des rémunérations manifestement disproportionnées au regard des services rendus ou ne correspondant à aucun service commercial effectivement rendu ». Carrefour est condamné à verser 17 millions d’euros au Trésor Public.

Le harcèlement moral des salarié.e .s ? Une spécialité Carrefour

En février 2013, le Conseil des Prud’hommes condamne Carrefour à verser 15 000 euros à une caissière qui avait tenté de mettre fin à ses jours. Représentante CGT, la direction du magasin lui avait demandé de ne pas discuter avec ses collègues après avoir pointé, sans quoi elle serait sanctionnée. « Elle est la seule à avoir fait l’objet d’une remarque de ce type », remarque le tribunal. « C’est à la suite de cette réception de cette lettre et d’un nouvel entretien avec (sa supérieure) que la salariée tentera de mettre fin à ses jours » en juin 2010 en prenant des médicaments dans les toilettes du magasin.(6)

Le 27 mars 2008, deux cadres d’un hypermarché Carrefour à Sallanches (Haute-Savoie) sont condamnés à six mois de prison avec sursis par le tribunal correctionnel de Bonneville pour harcèlement moral à l’encontre d’un salarié du magasin. Ilssont poursuivis pour avoir harcelé de septembre 2001 à mai 2002 un chef de rayon, Stéphane Tagliavacca, 40 ans. Celui-ci qui s’était vu prescrire un arrêt de travail de plus d’un an que la sécurité sociale avait attribué à sa situation de «stress au travail» et de «harcèlement moral». Il reproche à son supérieur hiérarchique de chercher à lui nuire continuellement, le suivant partout même «à la porte des toilettes», l’espionnant sans arrêt, lui supprimant des congés et l’appelant régulièrement chez lui pour lui demander de rendre des comptes. De nombreux salariés ont fourni à la justice des attestations témoignant des brimades dont ilavait fait l’objet.(7) Le 29 novembre 2010, le tribunal des affaires sociales d’Annecy condamne le Carrefour de Sallanches à lui verser 15 000 euros pour harcèlement moral. Le tribunal des Affaires sociales d’Annecy a reconnu que la direction du magasin avait commis une faute inexcusable. (8)

Le 10 septembre 2012, le tribunal correctionnel de Bayonne reconnaît un cadre de la société Carrefour coupable de harcèlement moral. Il est condamné à payer 15.000 euros de préjudice moral à la victime ainsi que 5.000 euros d’amende dont 3.500 avec sursis. La victime est aujourd’hui en invalidité. (9)

En 2010, Carrefour est condamné à verser 180 000 euros de dommages et intérêts et d’arriérés de salaire à un salarié. Ce cadre se plaignait d’avoir dû être licencié à cause du comportement du directeur. Des actes « susceptibles d’altérer la santé mentale ou physique de la victime ».L’arrêt de la cour d’appel s’appuie aussi sur des rapports médicaux : « Retentissement psychosomatique majeur avec graves troubles du sommeil, aboulie, inappétence et crises de larmes, recherche d’un certain isolement social ». Le cadre licencié est d’ailleurs resté trois ans au chômage. Carrefour, qui a promu son directeur dans un autre hypermarché, a décidé de se pourvoir en cassation. Jugeant que « son licenciement a été la conséquence du harcèlement moral dont il a été victime », la cour d’appel annule ce licenciement et condamne Carrefour à lui verser 60.000 euros de dommages et intérêt. Plus trente-deux mois de salaires, le temps écoulé entre son départ et l’arrêt de la cour.
Car, délégué du personnel et membre du CHSCT, il était salarié protégé. Cette seconde somme s’élève à près de 116.000 euros. L’entreprise lui doit aussi 10.000 euros pour irrespect « de l’obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des salariés ». Et enfin 2.500 euros pour l’indemniser de ses frais de justice. (10)

Carrefour enfreint la législation sur le travail de nuit

En décembre 2013, la direction du plus grand magasin de France (Villiers-en-Bière, Seine-et-Marne) est assignée en justice par deux syndicats (la CFDT et l’UNSA) pour non respect de la législation sur le travail de nuit. Une première en France dans la grande distribution, unefois de plus Carrefour est en première ligne en matière de régression sociale.

Les syndicalistes indiquent que, le magasin « ouvre ses portes au public jusqu’à 21 heures 30 » alors que la loi stipule que le recours au travail de nuit (après 21H00 et jusqu’à 6H00) est en principe exceptionnel et doit être justifié par la nécessité d’assurer la continuité de l’activité économique ou des services d’utilité sociale. (11)

Pour aller plus loin : voir aussi l’article de l’Huma « Carrefour aime la « femme digitale ». http://www.humanite.fr/societe/carrefour-aime-la-femme-digitale-517013

Voir aussi un papier sur la surveillance des salariées « Espionnage chez Carrefour « : http://bigbrotherawards.eu.org/Espionnage-des-employes-chez-Carrefour

© Morka Miilpats

Liens :

(1) http://fr.calameo.com/read/000421565c549d4edea4b

(2) « Carrefour condamné à payer 400 000 euros à une centaine de salariés » [archive], Libération, 9 novembre 2010.

(3) http://www.lemonde.fr/societe/article/2011/02/16/la-justice-donne-raison-a-des-salaries-de-carrefour-payes-en-dessous-du-smic_1481171_3224.html

(4) www.lemonde.fr/economie/article/2012/08/29/carrefour-condamne-a-une-lourde-amende-pour-non-respect-du-smic_1752834_3234.html

(5) http://www.challenges.fr/entreprise/20120309.CHA4129/carrefour-condamne-a-payer-19-millions-d-euros-pour-ses-marges-abusives.html

(6) http://www.parismatch.com/Actu/Societe/Harcelement-moral-Carrefour-condamne-179256

(7) http://www.liberation.fr/societe/2008/03/27/deux-cadres-de-carrefour-condamnes-pour-harcelement-moral_22286

(8) http://www.lepoint.fr/societe/carrefour-condamne-a-15-000-euros-d-amende-pour-harcelement-moral-15-02-2013-1627967_23.php

(9)

http://www.sudouest.fr/2012/10/09/bayonne-un-cadre-de-carrefour-condamne-pour-harcelement-moral-845013-4018.php

(10) http://anti.grande.surfaces.over-blog.com/article-carrefour-188-000-euros-pour-harcelement-moral-50750949.html

(11) http://www.lefigaro.fr/flash-eco/2013/12/25/97002-20131225FILWWW00008-travail-de-nuit-2-syndicats-assignent-carrefour.php

Photos : Morka Miilpats

Vidéo : Groupe GROIX (Groupe de Recherches Ouvertes & d’Initiatives Multiples)

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